jeudi 9 novembre, Salle Capitulaire de la Cathédrale, 20h
50 places maximum
« One man show » par le baryton Nicolas Achten*, accompagné de son théorbe, sa harpe et sa guitare, il rend hommage à l’éminent Claudio Monteverdi
* chef de l’Ensemble Scherzi Musicali, renommé pour la musique du XVIIe siècle
Claudio Monteverdi (1567-1643) |
Tempro la cetra Et è pur dunque vero |
Giovanni Maria Trabaci (1575-1647) |
Ancidetemi pur, per l’arpa |
Cl. Monteverdi | La lettera amorosa Si dolce e’l tormento Dolci miei sospiri |
Francesco Corbetta (1615-1681) |
Prélude et Caprice de chaconne |
Cl. Monteverdi | Quel sguardo sdegnosetto Eri già tutta mia |
Cl. Monteverdi | Voglio di vita uscir Ecco di dolci raggi |
Bellerofonte Castaldi (1581-1649) |
Tasteggio Soave |
Cl. Monteverdi | Più lieto il guardo Ohimè ch’io cado |
2017, année monteverdienne par excellence. Inventeur pour ainsi dire de l’opéra (L’Orfeo) avec Jacopo Peri et Giulio Caccini, Claudio Monteverdi aurait 450 ans. Sa musique pourtant est neuve et fraîche comme au premier jour. Outre l’opéra et de somptueuses fresques sacrées et profanes, on lui doit de bien savoureuses pièces vocales, à l’instar de celles que Nicolas Achten met ici finement en perspective avec trois contemporains: le Napolitain Trabaci pour illustrer le baroque italien première manière; Corbetta, de Pavie mais qui meurt à Paris, le plus célèbre guitariste du 17e siècle (« le meilleur d’entre nous » diront ses confrères), admiré et protégé par un Louis XIV, par un Charles II d’Angleterre; Castaldi enfin, de Modène, passant d’Italie en Allemagne, vivant un certain temps à Venise, et lui aussi cultivant plusieurs cordes à son arc: poète, luthiste, joueur de théorbe virtuose.
© images | Nicolas Achten : Jesse Willems
Tempro la cetra
Claudio Monteverdi, dont on célèbre cette année les 450 de la naissance, est le compositeur le plus représentatif de la naissance du baroque. Il eut une longue vie, et a précisément connu l’une des évolutions du langage musical les plus importantes de l’histoire. Son génie réside selon moi dans son audace, sa sensibilité et sa grande faculté d’adaptation à un langage en perpétuelle évolution. Monteverdi a beaucoup écrit, dans des styles très différents, et ce toujours avec le même succès : qu’il s’agisse de ses opéras, de ses madrigaux polyphoniques ou à voix seule, ou encore de sa musique sacrée, les chefs d’œuvres se côtoient pour notre plus grand plaisir.
Le nuove musiche
L’histoire de la musique prend vers 1600 un virage fondamental avec la naissance de l’opéra. C’est à Florence qu’émerge ce genre nouveau, né de l’idéal artistique développé au sein de la Camerata de’ Bardi: cette société savante avait regroupé les plus éminents humanistes de la ville — artistes, philosophes et théoriciens. L’intérêt de la Renaissance pour l’Antiquité les guide vers des sources jusque-là inédites concernant la tragédie et de la poésie grecques: on usait autrefois d’une voix à mi-chemin entre le parlé et le chanté, et ce tout en s’accompagnant. Pour pouvoir véhiculer l’émotion auprès d’un public, la musique devait être verbe, rythme, et finalement son.
Par opposition à la musique polyphonique de la Renaissance, une nouvelle musique est appelée à naître: le recitar cantando, également appelé stile recitativo ou encore, pour Monteverdi, seconda prattica. Son fonctionnement et sa notation sont théorisés et mis en application; désormais, le rythme et l’intonation du chanteur imiteront la déclamation.
Pour répondre au besoin d’accompagner cette partie vocale, les instruments existants sont transformés en vue d’un plus grand ambitus et volume sonore. Leur nomenclature évoque parfois l’antiquité : le chitarrone fait écho à la kithara, le lirone à la lira…
C’est donc dans cette mouvance que Claudio Monteverdi écrit ses œuvres pour voix et basse continue. Il a osé ce que d’autres n’auraient fait ou pu faire, n’étant pas soumis aux des dogmes Florentin et ayant pu en retenir ce qui lui semblait artistiquement pertinent. Il appartient en quelque sorte déjà à une seconde génération de compositeur de ce nouveau langage, ce qui lui offre un certain recul sur le travail de ses ainés et lui permet d’aller plus loin selon son inspiration.
Scherzi Musicali & Madrigagli à voce sola
Les pièces du programme de ce concert sont majoritairement issus de ses derniers livres de madrigaux, ainsi que de ses recueils de « Scherzi Musicali ». Les Scherzi sont normalement des airs strophiques souvent de facture assez spontanée : seule la musique d’une seule strophe est écrite, et les autres strophes sont disposées en vers après la musique. Certains airs sont développés in extenso, tel que le pétillant « Quel sguardo sdegnosetto », ou le très rhétorique « Et è pur dunque vero ». L’air « Voglio di vita uscir » est écrit sur une basse obstinée de chaconne, à la rythmique dansante, que le compositeur fait muer insidieusement pour notre grande surprise. Quant à l’emblématique « Lettera amorosa », étant exclusivement écrite en ce nouveau style récitatif, Monteverdi spécifie qu’elle doit se chanter sans respecter la mesure, afin de se rapprocher au mieux de la rythmique de la déclamation. Et tout comme l’évoque « Tempro la cetra », c’est l’amour et ses différentes facettes qui s’impose comme le sujet le plus inspirant pour les poètes que Monteverdi met ici en musique.
Texte et musique sont désormais si indissociables que le geste artistique qui les lie rend leur pratique étroitement liée. Rien d’étonnant donc à voir au dix-septième siècle, la pratique si répandue la pratique de chanter et s’accompagner d’un luth, une guitare ou une harpe. Si cette pratique ne reprend que timidement sa place aujourd’hui, elle apporte des clés essentielles pour comprendre l’interaction entre voix et basse continue.
Monteverdi, avec tout le génie qui lui est propre, s’inscrit dans le déroulement logique d’une histoire; celle de compositeurs, poètes, penseurs de l’art à la recherche d’un idéal perdu: toucher l’auditeur par une rhétorique juste. La musique, réduite à l’essentiel, n’a d’autre prétention que celle de servir le verbe.
Nicolas Achten
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